Ma French Divide 2017 : 2100 km de vélo à travers la France…

Introduction

Voilà une semaine que je suis rentré. Une semaine depuis que j’ai terminé le défi de l’année 2017 : la French Divide. Comme ceux avant moi lors de la première édition, parce que j’ai pris l’habitude de raconter mes aventures personnelles et parce que ceux de la 3e édition chercheront sûrement des informations, je vous livre mes impressions, mon ressenti, ma préparation, mon matériel.

Bonne préparation pour la prochaine édition, et si vous hésitez encore, je n’ai qu’une chose à vous dire: lancez-vous !

C'est quoi la French Divide ?

Reprenons les mots de Samuel : ce n’est pas une course mais un brevet de cyclisme d’ultra longue distance. Environ 2100 km et plus de 35 000 m de D+ à travers toute la France. L’objectif est de rallier en 15 jours la Flandre au Pays Basque (Bray Dunes – Mendionde) en suivant un parcours imposé et composé de 70% de chemins et 30% de route, le tout en autonomie/solitaire et sans assistance. Dans les 70% de chemin, on n’a pas que du chemin de campagne tout pénard mais également du single track technique, de la descente de pierrier et si la météo est contre vous, de bonnes zones boueuses praticables qu’en motocross ! L’ensemble est savamment équilibré et plutôt bien réparti sur l’ensemble du parcours même si les difficultés montent crescendo vers les Pyrénées.

Chaque participant possède un tracker GPS qui permet à l’organisation et à vos proches de suivre en direct votre progression tout au long de l’aventure.

Plus d’infos –> https://www.frenchdivide.com/

Quelques liens :

Quelques chiffres...

2170 km, 35 000 m de D+, 6 régions et 18 départements traversés, 12,7 kg de vélo, 14 kg de chargement 3 crevaisons, 2 chutes, 1 roue voilée, 6 jours / 12 en solitaire totale, 24 pains au chocolat, 46 diabolos fraise / Orangina, 5 litres de bière, 5 restaurants, 13 bivouacs, 0 nuit en hôtel.

French Divide 2017 terminé en 12 jours, 15 heures et 45 minutes.

Pourquoi la French Divide ?

Amateur de trek et de randonnée depuis plusieurs années, je pratique le trail, le raid et le VTT à mon niveau. N’ayant pas vraiment l’esprit de compétition, je fais plutôt des randos vélo et quelques essais sur des courses cross-country mais le format court n’est pas mon truc… Je n’aime pas être trop dans le rouge. L’endurance, le voyage, l’autonomie et l’itinérance, c’est plutôt ça, mon truc. Quand j’ai découvert la French Divide l’année dernière, je me suis dit « Bon sang, mais c’est bien sûr », c’est exactement le format qu’il me faut !

J’avais déjà essayé en Juillet 2016, une itinérance en vélo de 600km de Dunkerque aux Pays de la Loire (ma région de naissance). L’expérience avait été à la hauteur de mes espérances, du pur bonheur, un sentiment de liberté et de belles rencontres.

«  Hey Géraldine, t’as vu ? C’est quoi ces petites sacoches sur leur vélo ? Ils font quoi ? » Je n’arrêtai pas de taquiner ma compagne dès que l’on croisait des cyclotouristes, mon envie de voyage à vélo était vraiment profonde.

Je commence par me mettre à la route en Septembre 2016 grâce à mon pote Max qui me monte une belle machine,  il va d’ailleurs me refiler le virus… Et me faire découvrir par la même occasion le « Gravel ».

Sans hésitation, je m’inscris à la French Divide 2017 à l’automne 2016. Avec un objectif pareil, toute l’année 2017 va tourner autour du vélo, de la préparation, du matos etc. D’ailleurs, début Juillet 2017, Nous sommes partis faire le tour du Danemark à vélo avec Géraldine, 1200 km de piste. Un bon « entrainement » pour la French.

Le Choix de la Machine

Vaste sujet… J’ai pas mal fouiné sur le net, connaître l’expérience des premiers divideurs. VTT ? Gravel ? Rigide ? Semi-rigide ?

Il y en a pour tous les goûts… Impossible de faire son choix ! L’année dernière, tous les types de vélo étaient au départ… Même du Fatbike !

Bon, voulant quelque chose de polyvalent et adapté au voyage, un cadre Gravel s’est imposé assez rapidement. Et puis, j’aime bien le concept de pouvoir rouler efficacement sur route et chemin.

Ne connaissant rien à la mécanique, je reste sur les conseils de Max et je vise l’esthétique. Les croix de Fer, Soma et Sobre sont dans le collimateur. Le prix et la disponibilté fera la différence, je pars sur le kit cadre Genesis Croix de Fer 2017. Reste plus qu’à le monter.

Commence une relation intense avec mon pote Max qui me conseille, je le harcèle de questions non-stop, des heures de discussion Facebook. C’est quoi les gammes de groupe ? Le ratio ?  Raaahh, Merci de ta patience et de ta pédagogie Max…

Je termine avec un mix de pièces neuves et d’occasion. Les quelques tests m’ont permis d’aboutir à ce montage imparfait mais qui a eu le mérite de m’emmener jusqu’à la fin de la French :

  • Kit Cadre 2017 Genesis Croix de Fer, Acier Reynolds 725
  • Roues Mavic Crossone
  • Pneus WTB Riddler 45C en tubeless et WTB Nano 42c à l’arrière en tubetype (pourquoi ? Car je suis passé en tubeless quasiment la veille, et que je n’avais aucune expérience de ce montage, bref passons…)
  • Pédales Atac
  • Double plateau SLX, 26/38, Cassette Shimano 11-36 et dérailleur Shimano 105
  • Shifters Tiagra 2017 (problème d’indexation, passage de vitesse pas réellement fluide mais bon ça été quand même hein !), du coup ratio minimum de 0.72, et ce n’était vraiment pas du luxe !
  • Selle Brooks B17 standard
  • Cintre Ritchey Comp Venturemax en 42mm

Le vélo fait 12,7 kg à vide. Au départ de la FD, j’affichais un poids de 26 kg (vélo compris, hein). Je crois que j’étais un des plus lourd, en tout cas de ceux qui ont donné leur poids sur le groupe FB avant le départ…

Le Reste du Matériel

Venant du trek et de l’itinérance, j’avais déjà du bon matériel mais pas forcément adapté au bikepacking. Mais je me connais, il me faut un minimum de confort. En trek, la règle c’est de dormir au chaud et au sec. Je pars donc avec

  • Tente ultralight MSR Hubba Hubba NX
  • Matelas Thermarest Prolite Plus
  • Duvet Sea To Summit, 5°C confort,

L’ensemble fait déjà 4 kg mais bon j’ai dormi nickel et au sec pendant tout le trajet.

Pour la bagagerie :

  • Sacoches de Selle Apidura 18 litres
  • Sacoche de cadre Blackburn L (très bon rapport qualité prix)
  • Sacoche de cintre FairWeather
  • Une petite sacoche de cadre Btwin.
  • Un seul porte-gourde, j’ai fait le choix du Camel bag.

Navigation et autonomie électronique

Ayant déjà un Garmin Dakato 20 et sachant que je tiens 3 semaines avec quelques jeux de piles, je pars avec 10 piles rechargeables et le chargeur. Je prends également une batterie de 20 000 mah pour le portable qui a déjà une bonne autonomie (CrossCall Trekker M1 Core)

Pour la lumière, je prends juste de quoi me signaler et une frontale. Je ne comptais pas rouler de nuit.

Nourriture

Je pars un peu chargé et autonome pour 4 jours. 12 repas, 8 lyophilisés et de la nourriture sèche, purée, semoule, et boite de thon à l’huile. Finalement, j’aurai pu en prendre moins, très facile de se ravitailler en route.

Vêtements

  • Un cuissard
  • 2 Jersey courts respirant
  • 1 T-shirt respirant
  • 1 T-shirt mérinos manche longue pour la nuit
  • 1 collant long pour la nuit
  • 1 coupe-vent imperméable
  • 1 jersey Epais et chaud
  • 2 paires de chaussette
  • Chaussure Shimano MT34
  • Mitaines et gants polaires
  • 1 buff et la casquette FD2017 J

Divers

  • une pharmacie succinte
  • Couteau léger
  • Smartphone
  • Bombe au poivre pour les chiens agressifs
  • Un antivol

Matériel de réparation

  • une chambre à air
  • attaches rapides
  • Multi outils
  • Pompe
  • Dérive chaine
  • un jeu de plaquette de frein
  • un câble
  • Rustines
  • Huile

Préparation physique

La French Divide est une épreuve d’endurance, d’ultra longue distance, il faut donc préparer son corps et surtout son mental à de longues heures de selle.

Oubliez les sorties de 50km à 80km avec des moyennes élevées, cela sert à rien à mon avis . Il faut s’habituer à rouler longtemps et surtout à rouler doucement. Ce n’est pas facile pour la plupart des Vttistes généralement obnubilés par leur moyenne ;).

6 mois avant la FD, j’ai roulé souvent et réalisé de nombreuses sorties supérieures à 100km à un rythme moyen. Il faut réellement savoir comment on est sur le vélo après 10h de selle. Détecter les moindres douleurs etc. La position, le choix de la selle sont, je pense, les clés de la réussite.

J’ai effectué également plusieurs test sur 2 à 3 jours avec tout le chargement. Avant la FD et depuis Janvier 2017, j’avais cumulé 6000 km dont 1200 lors de notre voyage à vélo autour du Danemark début juillet.

Si vous n’êtes pas habitué au bivouac et au manque de confort, je vous suggère fortement de tester le matériel et la logisitique avant, afin de faire une belle aventure !

Le mental est très important dans ce type d’épreuve, faut être positif à bloc !

Retour d'expérience

Après ces 12 jours, si je devais repartir voici ce que je changerais ou améliorerais :

  • 2 cuissards afin de pouvoir le laver plus souvent, j’ai eu pas mal de problème d’échauffement
  • Des sur chaussures légères
  • Un pantalon K-way ou quelque chose pour se protéger du froid
  • Moyeu dynamo pour plus de confort et moins de poids même si je n’ai eu aucun problème avec mes piles et batteries
  • un pneumatique avant mieux adapté aux terrains boueux mais de même section
  • 2 jeux de plaquette de frein
  • une tente 1 personne plus légère et moins encombrante
  • 1 tapis de sol moins encombrant
  • un antivol moins lourd
  • Moins de nourriture au départ
  • une cartouche de gaz plus petite
  • améliorer le vélo niveau transmission et une gamme de roue supérieure
  • une pince
  • de l’huile ou de la WD40

Le Récit

Ma Stratégie

Rien d’exceptionnel, souhaitant finir et boucler l’aventure dans les temps, c’est-à-dire, 15 jours, je prévois de faire un maximum de bornes au début afin de garder de la marge pour les étapes techniques (Morvan) et de montagne (Massif central et Pyrénées).

Je prévois donc de faire 250km le 1er jour, 200km le 2e et 150 le 3e. Ensuite, je souhaite garder une moyenne de 150km par jour, distance minimale à réaliser par jour pour le faire en 15 jours (144 km exactement)

C’est dans cette optique que je me suis chargé de nourriture pour ne pas perdre de temps les premiers jours mais ce n’était pas forcément nécessaire avec le recul. C’est que j’aimais bien l’idée d’être totalement autonome.

Le Briefing

Jeudi 3 août, on est convié à la mairie de Bray-Dunes pour le briefing. Je découvre l’équipe de la FD, les divideurs, il y a un peu de stress, mais du bon stress, de l’excitation je dirais plutôt.

Samuel nous fait le briefing et met un ptit coup de pression,

«  Si vous ne faites pas au moins 200km le 1er jour, ça va être très très dur… »

 

Le ton est donné, va ne pas falloir chômer ! Il précise 2-3 choses, rappelle le règlement puis Lionel, Céline et Thibault nous appellent pour nous donner nos trackers GPS.

Vague n°1, nous sommes tous des débutants et pour une grande majorité, sinon tous, encore vierges de ce type d’aventure en bikepacking.

Retour sur Dunkerque où je termine de préparer mon vélo, je mange une dernière fois chez moi et dit au-revoir à ma bien aimée avant d’enfourcher « Le Trophée » pour rejoindre le camping de Bray-Dunes.

Je m’installe à côté de Damien, et un autre gars dont je ne me souviens plus le nom qui dort à même le sol avec juste un duvet. Moi je déplie ma grosse tente, mon gros duvet et mon matelas, je prends la moitié de l’emplacement…Je suis quand même bien chargé ! Ils sont tous en Bivy ! J’espère que je vais tenir le coup… Au moins, je serais au sec !

Jour 1 : Vers l'Inconnu

6h24, le départ est lancé. En première ligne avec la poulette qui hurle ses cocoricos, nous nous élançons sur la digue de Bray-Dunes. Un dernier au revoir à ma douce venue sur la ligne de départ et on se dirige vers la frontière belge.

Enfin, nous sommes partis ! Enfin, en route ! Depuis le temps que j’attendais ça ! Hâte d’en découdre, hâte de savoir si je tiendrais la distance ! Hâte aussi de découvrir notre pays, car je ne connais pratiquement aucune des régions traversées.

On roule en groupe plus ou moins importants, serpentant sur les routes flamandes, puis longeant les canaux sur de petits singles. La trace prend la direction de l’ouest vers les monts de Flandres et c’est là que je croise mon ami Bruno qui est venu en moto m’accompagner sur une portion, vraiment trop sympa ! Merci Bruno pour ces images !

A l’approche des monts, les groupes se dilatent et je me retrouve tout seul. J’enchaine, Cassel, Des Cats, Noir, Rouge et le fameux Kemmel avec ses 17% pavés. Ne voulant pas me cramer, je les monte à pied. Je les ai déjà montés en entrainement ou en rando, mais je me dis que cela ne sert à rien de taper dedans direct. Cela étonne d’ailleurs deux participants de la vague N°2 qui sont en haut du mont.

Je mange ma 1ère purée thon à l’huile après le mont Kemmel en 10 minutes chrono puis je repars.

Cette première section était vraiment roulante, les jambes suivent, c’est bon.

Je continue tout seul un bon moment avant d’être rejoint par Capucine et Adrien, puis je rattrape Damien qui s’est arrêté pour manger. Il me rejoint plus tard et on continue ensemble ainsi qu’avec Djamel tout le reste de la journée.

La nuit commence à tomber, on a environ 230 km au compteur lorsque l’on tombe sur un pur spot de bivouac au bord d’un ruisseau. On stoppe net et on déploie tout notre barda. Djamel en tente, Damien en Bivy et moi en tente. Les différences de matos sont là !

Rinçage dans le ruisseau et apéro ! Isostar + magret séché maison que j’avais ramené, un délice !

Les sensations ont été bonnes et on fait un bon début de course, néanmoins, j’ai un peu mal au genou gauche, j’espère que cela va passer dans la nuit.

L’ambiance est super détendue, on se marre bien, c’est vraiment sympa !

Jour 2 : Le Drame...

Il a plu cette nuit et il pleut encore ce matin. Pas très motivant. Damien a pris l’eau et son duvet-Bivy est trempé mais il a bien dormi quand même, idem pour Djamel.

J’ai encore mal au genou ce matin, ça tire…

Je mange mon 1er lyophilisé à la frontale dans la tente, un bon chili con carne, idéal pour débuter la journée puis c’est sous une pluie fine que l’on reprend la route direction Le Quesnoy où on jardine un peu car Samuel nous fait passer à travers les remparts ! Un jolie ptit tunnel ! Vraiment cool ça !

Dans le cimetière suivant, nous nous arrêtons prendre de l’eau et nous sommes rejoints par un autre groupe de 4 divideurs. Nous repartons ensemble, à 7 ou 8 pour attaquer la forêt de Mormal.

Le doute s’immisce un peu en moi à ce moment-là, il y a trop de monde, le groupe est trop important, je ne sais pas si cela va me convenir. A 8, on avance forcément moins vite et à la vitesse du plus « faible ». On verra, mais je me dis déjà qu’il faudra que je m’isole si je veux tenir mes engagements personnels. C’est bizarre et ce n’est pas évident, mais on a déjà tissé des liens avec les gens avec qui on roule, ce n’est pas évident de les quitter…

Forêt de Mormal, c’est gras et humide. Et c’est le drame. J’ai perdu mon GPS. Pas mon tracker, mon GPS avec la trace !! Je l’avais il y a encore 10 minutes !!! Je suis sûr, je l’avais juste avant d’entrer dans la forêt. J’abandonne le groupe et commence à rebrousser chemin jusqu’à l’entrée, soit environ 1km. D’abord à vélo, puis à pied à côté du vélo puis sans le vélo et enfin arc bouter avec un bâton pour débroussailler…

Pourquoi je n’ai pas sécurisé mon GPS ?? Normalement j’ai une ficelle mais j’ai oublié de la mettre ce matin. Au moment où je perdais espoir, je le retrouve au milieu des herbes folles. VICTOIRE ! La FD ne n’arrêtera pas ce matin !! En revanche j’ai perdu environ 1h… L’avantage de cette marche forcée est que cela me débloque complètement le genou, plus aucune douleur !

Vers 11h30, je n’ai fait que 30km, je suis dans le centre de Maroilles, dépité. Adrien De Vriend me rejoint et on continue ensemble. Les deux Genesis attaquent les chemins boueux de l’Aisne.

Alors que mon homonyme peine dans les ornières, nous rejoignons tout le groupe, arrêté au soleil en train de faire sécher leur affaire et de manger. Cela fait à peine 1h que je reroule, je prends la décision d’avancer, je m’arrêterai plus tard. Je repars donc tout seul. Je ne reverrais jamais Adrien qui était pourtant 100m derrière moi.

Le soleil est bien présent et je m’arrête 1h30 plus tard pour manger dans un village, le groupe me rattrape et me dépasse. Je rejoins plus tard Damien et Djamel à côté d’une boulangerie où l’on se fait un petit flan délicieux.

Ils me font part qu’ils vont rouler de nuit, étant équipé pour. Comme j’ai fait le choix de justement, ne pas rouler de nuit, nos chemins vont sûrement se séparer ce soir.

Je reprends la route juste avant eux sachant qu’ils vont plus vite que moi, ils devraient me rattrape rapidement mais je les reverrai jamais, je n’ai pas compris, ils étaient juste derrière, bizarre. Je continue donc seul.

J’avance plutôt bien et je rejoins Marin, le benjamin de l’édition 2017, en haut d’une côte, on roule ensemble un bon moment. Il m’épate ! Faire ce type d’épreuve à son âge, que fera-t-il à 30 ans ? Il roule bien et vite ! Mais comme il n’est pas autonome en nourriture, il doit sortir de la trace pour en trouver. Je continue donc et je ne le reverrai jamais.

Je rejoins Patrick un peu avant Reims, on roule ensemble un moment et je lui fais part de la difficulté de rouler avec des gens et de devoir les quitter pour pouvoir faire son aventure, aller à son rythme etc. Il est totalement dans la même optique et cela me rassure. La French Divide est une aventure en solitaire et en autonomie mais avec d’autres. D’ailleurs, nous nous quittons plusieurs fois, chacun allant à son rythme. Nos chemins se séparent lorsqu’il rejoint son hôtel.

Le relief commence sérieusement à se corser au fur et à mesure que l’on se rapproche de la montagne de Reims. Une belle côte sur de l’asphalte et un bon gros raidard dans la forêt m’amène aux portes de la dite Montagne.

Au pied des vignes, à côté de Vrigny, je plante ma tente face à la pleine lune qui illumine les coteaux. La vue est splendide, le cadre magique et l’endorphine qui coule dans mes veines après 12h de selle me laisse rêveur…

M*** ! A peine la tente montée, qu’une grosse voiture emprunte le chemin de terre à proximité de mon bivouac… J’espère que l’on ne va pas venir me déloger… Je guette les phares rouges qui disparaissent en haut du coteau que j’affronterai demain matin. C’est bon. Je m’installe dans mon plus simple appareil et commence à manger dans la tente.

Dans la pénombre, je vois une silhouette remonter le coteau en face de moi. Ce n’est pas possible, j’ai vérifié, les autres divideurs sont à au moins 1h de route. Qui c’est bon dieu… ?

« C’est qui ?

  • C’est Julien
  • Julien ?
  • Oui Julien, Jésus ! »

Nooonn, mon pote Jésus ! Il me suivait à la trace grâce au tracker, c’était lui avec sa voiture dans le coteau ! Il n’habite pas très loin et devait me rejoindre sur une portion mais comme je suis allé plus vite que prévu, il a décidé de venir me rejoindre au bivouac ! Une belle surprise qui se fête autour d’une bonne Cuvée des Trolls ! Un régal ! Encore merci Julien, cela m’a fait vraiment plaisir comme surprise !

Il ne s’attarde pas et me laisse me reposer. Une grosse journée m’attend demain. Le tracker m’indique que Damien et Djamel se sont posés juste en dessous de moi, à une centaine de mètres !

Jour 3: Course contre la montre

Réveil à 5h, 6h je suis déjà en train de gravir le coteau et de sillonner les vignes. Sur ma gauche, des teintes rosées inondent le ciel et la région rémoise. C’est somptueux. L’ambiance matinale est réellement magique, un des meilleurs moments pour rouler, le temps ne s’écoule plus de la même manière, l’esprit n’est pas encore complètement réveillé mais suffisamment alerte pour éviter les pierres qui jonchent les pistes que l’on emprunte.

4 km plus loin, les choses sérieuses commencent, j’entre dans le parc naturel de la Montagne de Reims. Samuel nous embarque de singles en singles improbables. Technique et étroits, je ne suis pas mécontent d’affronter ce type de terrain le matin, quand on est encore frais et dispo.

La traversée se passe plutôt bien à ma grande surprise. Le trophée réagit bien, très maniable, et réactif, je passe entre les racines et les pierres à vitesse réduite, mais je passe.

Une belle descente me conduit jusqu’à Epernay et le bar du Centre pour le CP1, à 8h30. Il fait super beau, il y a un marché, une boulangerie d’ouverte, c’est parfait.

Petit déjeuner au bar puis je repars à l’assaut des coteaux champenois. Le tracé est vraiment plaisant, on sillonne les vignes de vallée en vallée, à flanc de coteau, un raidard par ci un autre par là et l’on quitte les collines pour se diriger vers Châlons en Champagne et la plaine de la Marne où je m’arrête manger.

Je fais le point et me rends compte que les prochains 50km sont très roulants et plutôt plats, je calcule que je pourrais atteindre la forêt d’Orient en fin d’après-midi voire début de soirée. Cette zone est stratégique car une portion du tracé est impossible à traverser de 21h à 6h du matin. Pas d’exception ! De plus, toute la forêt d’Orient est interdite au bivouac.

Vu mon rythme, il faut absolument que je passe la forêt aujourd’hui sinon l’avance que j’ai pris ce matin n’aurait servi à rien.

Je mange donc rapidement et enfourche ma monture pour les bords de Marne. Le tracé en effet roulant et plat jusqu’à Vitry le François ou une bonne descente technique fait baisser un peu la moyenne. Je ne m’attarde pas, je file pour atteindre la fameuse piste cyclable qui longe le lac d’Amance. Samuel nous avait dit que si l’on se pointait ici vers 20h, il n’était pas question d’envisager la traversée de la forêt.

Il est 18h30. Je suis large. Parfait. De plus, le tracé est à ma surprise plutôt roulant et bitumé à travers la forêt or je m’attendais à des singles techniques, merci Sam.

A 20h15, je sors de la zone interdite, mission accomplie. J’ai maintenant plus de temps pour sortir de la zone de non bivouac et je m’autorise une pizza aux andouillettes à la lisière de la forêt, le tout accompagné d’une bonne Leffe et d’un Orangina en compagnie de sanglier et chevreuil enfermés dans un enclos à proximité du petit bar dans lequel je me restaure.

C’est de nouveau au crépuscule que je déploie ma tente au milieu d’un champ caché derrière un monticule de gravats de calcaire après une étape de 242km et 13h de selle. Aucuns bruits, pas même un oiseau, encore une ambiance particulière…

Jour 4: Chaleur

Départ aux aurores. Il fait relativement frais, mes affaires sont trempées par la rosée. Les pâtes bolognaises avalées et c’est vers 06h15 que je quitte le spot de bivouac. Aujourd’hui, je laisse la Champagne-Ardenne pour la Bourgogne. Le Morvan et la promesse de singles techniques se rapprochent à grand pas… Le ciel sans nuages et l’absence de vent annoncent une journée chaude. En effet, la chaleur est étouffante alors que je sillonne les nombreuses vallées tantôt à travers les vignes tantôt à l’abri au cœur des forêts. La trace n’est pas trop technique, quelques descentes un peu caillouteuses mais c’est plutôt roulant. Le dénivelé est revanche important, j’enchaine une succession de côte et de descente, traversant les villes de Bragelogne, Etourvy, Mélissey, Tonnerre et Chablis où je m’arrête pour un petit ravitaillement.

Les températures grimpent sérieusement dans l’après-midi m’obligeant à me ravitailler en eau assez souvent. A Irancy, un villageois m’offre très généreusement ses bouteilles d’eau fraiche en m’informant que je suis dans un des rares villages où le cimetière ne dispose pas de robinet. A la bonne heure ! Encore merci pour ce ravitaillement.

Je remonte les collines au-dessus de Cravant puis descend vers la vallée de la Cure pour remonter en face, et ainsi de suite entre l’Yonne et la Cure que je retraverse juste avant d’atteindre Avallon, superbe ville fortifiée perchée au-dessus du cours d’eau Le Cousin.

Je suis un peu crevé, la grosse journée de la veille a bien attaqué mes réserves. Le dénivelé et la chaleur de la journée rajoutent une couche à la fatigue générale mais le mental est bon, c’est bien le principale. Aucunes douleurs, aucuns problèmes mécaniques.

Il y un camping à Avallon, je vais enfin pouvoir prendre une douche… Cela commence à devenir urgent ! Le camping étant au bord du cours d’eau situé en contrebas de la ville, je me pose d’abord dans un restaurant au cœur de la cité où règne une bonne ambiance : terrasses et concerts.

En attendant ma pinte de bière, je téléphone au camping pour assurer mais le propriétaire, désagréable au possible me signifie que je ne peux pas arriver après 20h même si on l’on glisse l’argent dans la boite au lettre… Impossible, le type est imbuvable, froid, sec. Un peu dépité, changement de plan, je vais devoir rouler encore un peu pour sortir de la ville et trouver un spot.

De temps à autre, je scrute Trackleader sur le net afin de voir la position de mes poursuivants. Un certain Gauthier Montois me talonne depuis un moment et se rapproche tout doucement. La vague orange, partit 1 jour après nous commence également à se rapprocher, sûrement des machines ces mecs là… Je m’étonne de voir que je suis plutôt bien « placé » vis-à-vis de ma vague, l’avance prise les jours précédents se stabilise et j’ai environ 80 à 100km d’avance par rapport au groupe que j’ai quitté. J’espère que je ne vais pas le payer plus tard et que je vais tenir bon. En tout cas, cette avance me laisse potentiellement du temps ou des jours moins intenses pour les parties techniques.

Alors que le ciel commence à se couvrir, je quitte Avallon, remonte une colline puis redescend vers Le Cousin et m’installe au bord du tracé dans un champ surplombant la vallée. Le ciel est plus que menaçant et la pluie commence à tomber une fois la tente montée. Je profite de cette pluie pour me rincer et me nettoyer, c’est toujours mieux que rien… Encore une belle étape, 158 km et 2700m de D+.

Jour 5: Traversée du Morvan

Les choses sérieuses vont commencer aujourd’hui. On attaque sérieusement le Morvan.

A 5h du matin, alors que je me réveille, un phare et un bruit de chaine viennent troubler la quiétude matinale. Gauthier ? Non, Sylvain Blairon, vague orange, qui me double de bon matin. La clé de la réussite de ces épreuves, rouler longtemps… Il est donc parti avec au moins 1h30 d’avance.

Pas très motivé ce matin, il fait un temps pourri, une bruine légère et un ciel chargé m’accompagne sur les premiers kilomètres. Le terrain est gras et parfois technique. Au fur et à mesure que je me rapproche de Quarré-les-Tombes, CP2, le dénivelé augmente sérieusement. Nous empruntons que des circuits VTT à travers les forêts et les champs du Morvan. Juste avant Quarré-les-Tombes, une grosse descente technique et un passage vraiment caillouteux m’oblige à redoubler de vigilance et je dois faire appel à un pilotage précis pour ne pas glisser, c’est que je suis qu’en 45 à l’avant ! Cela passe, malgré des jurons et des « nom de Dieu » bien placés, j’atteins le Quarré Crème à 09h30.

L’équipe de la FD est là et m’accueille chaleureusement, Céline, toute souriante, orne mon brevet de quelques bananes et m’invite à se poser au chaud. Un réel de plaisir de les voir, Thibault et Céline, leur enthousiasme, leur chaleur humaine, leurs questions, leur intérêt me font chaud au cœur et me booste littéralement ! Je reste une bonne demi-heure en leur compagnie et après 2 cafés, un Orangina et un Diabolo Fraise, je reprends la route pour cette fois-ci attaquer réellement le Morvan.

Toujours sous un ciel chargé, le tracé emprunte largement la piste VTT de la grande traversée du Morvan. Autrement dit, du single, du technique et de la difficulté. Cela commence par un petit single au bord d’un ruisseau ou je dois mettre pied à terre une paire de fois puis la trace est plutôt équilibrée et j’arrive finalement à boucler une très grosse portion du Morvan dans la journée !

Un arrêt à la pharmacie d’Autun pour des problèmes d’échauffement et je continue ma route. En remontant la Montagne St Sébastien, je rattrape Sylvain Blairon qui m’a doublé ce matin, le divideur de la vague orange, et qui bouclera la FD en 9 jours. Il vient juste de changer son pneu après de multiples crevaisons. On monte ensemble un moment puis on se sépare lorsque je dois regarder s’il n’y a pas un camping dans le coin, j’ai toujours besoin d’une douche !

Y’a rien sur la route et faut s’écarter un peu de la trace… Je verrais de l’autre côté de la Montagne St Sébastien. S’en suit une longue ascension sur une longue piste Gravel puis une descente de folie entre les sapins sur une piste forestière. Les trajectoires sont aisées, les pneus accrochent bien, je prends un maximum de plaisir et de sensation en cette fin de journée !

Je jette ensuite mon dévolu sur la commune de Mesvres, une fois n’est pas coutume. Je plante la tente dans la commune au bord du Mesvrin à l’abri des regards indiscrets mais pas ceux des bovins situés de l’autre côté de la berge qui m’observe avec attention lorsque je déploie tout mon barnum.

Jour 6: Direction l'Auvergne !

Toujours sous un ciel dégagé, je laisse pour de bon le Morvan derrière moi et quitte la Bourgogne pour rentrer en Auvergne. Au loin se dessine les silhouettes des volcans dont leurs cimes chargées de nuages annoncent des terrains hostiles.

Encore quelques côtes bien raides entre Toulon sur Arroux et Bourbon-Lancy puis je descends dans la vallée de la Loire que l’on traverse d’Est en Ouest. Samuel nous embarque ensuite vers l’Allier par une alternance de route et de chemins agricoles au dénivelé inexistant ce qui permet de relâcher un peu et de voir défiler les kilomètres.

Juste après le Breuil, la trace bifurque au Sud vers Moulins et j’ai juste le temps de me mettre à l’abri dans une forêt pour laisser passer un grain monstrueux ! On a rarement ce type de pluie dans mon nord adoptif. De la grosse goutte ! Le sol est détrempé en quelques minutes et les pistes Gravel collent un peu plus sous les roues. Le déluge ne dure pas et c’est sous le soleil que j’atteins Moulins où je me ravitaille un peu.

La trace nous emmène ensuite le long de l’Allier, magnifique rivière aux méandres resserrés et aux berges sauvages. Le soleil est réapparu et la lumière déclinante de fin d’après-midi illumine le ciel et le cours d’eau de teintes orangées, c’est la fameuse « golden hour » en photographie. Tout est sublimé. Toutefois, le sentier du Castor que l’on emprunte est un véritable tape cul et en fin de journée avec mon Croix de Fer complètement rigide, c’est plutôt fatiguant. Le single est entrecoupé de barrières que l’on doit enjamber, cela casse le rythme. Le sentier débouche enfin sur un enchevêtrement de ronces, d’orties et d’arbres couchés… Un œil sur le GPS, pas de doute, cela doit passer, et heureusement que quelques divideurs sont passés avant car je distingue quelques traces parmi les végétaux. Samuel, il fallait nous dire qu’il fallait emporter de quoi débroussailler ! Le portage ne dure pas et l’on atteint rapidement la route située au-dessus.

Ce soir, j’ai décidé de me poser plus tôt et d’enfin prendre une douche dans un camping. Je m’installe au camping de Châtel de Neuvre, fin de la section 10 après une étape de 156 km.

C’est ce soir que les arceaux de ma tente ont décidé de casser, heureusement, il fait jour et beau, et cela me prend un bon quart d’heure pour réparer tout ça. La douche tiédasse me rassérène tout de même et je me couche lessivé.

Jour 7: Région volcanique

Départ tardif à 7h30 aujourd’hui, nous filons droit vers les volcans d’Auvergne. Le dénivelé augmente petit à petit au fur et à mesure que l’on se rapproche du Massif Central.

Toujours en forme, je vais à mon rythme, posant pied à terre dès que les difficultés sont trop importantes.

La trace coupe perpendiculairement de nombreux petits vallons encaissés où le GPS parfois s’affole. D’ailleurs, au creux d’une de ces dépressions, je commence à attaquer un chemin en très mauvais état jonché de racines et de pierres quand, au bout d’une centaine de mètre, je m’aperçois que je suis complètement à côté de la trace. Raaahh ! Ce n’est pas possible ! Tout ça pour rien… Je redescends jusqu’au ruisseau que je venais de traverser et m’aperçois que la trace file dret dans le pentu, à travers bois ! Impossible, pas l’ombre d’un chemin sur mon fond de carte… Nom de Dieu, c’est quoi ce bordel ! Il n’y a qu’un chemin possible, celui que je viens de gravir et redescendre.  Samuel nous avait bien précisé que le tracé avait été allégé par endroit et qu’il peut manquer parfois de précision. Pas le choix, on y retourne, je remonte pour la 2e fois le sentier cabossé. Au milieu de la pente, je vois quelque chose au sol, mon Smartphone ! Il était tombé lors de la descente… Bien content d’avoir repris le même chemin ! Je le récupère et l’attache solidement à mon sac. Avec l’effort, je manque parfois de lucidité.

Le temps se couvre sérieusement et les volcans d’Auvergne sont les nuages. J’esquive les grains et m’arrête à 12h pour déjeuner au bord de la Sioule à Ebreuil.

Gauthier me talonne toujours de quelques kilomètres, je devrais le voir aujourd’hui !

Le relief s’accentue sérieusement après Ebreuil, on commence à rentrer doucement dans le Massif Central. On traverse de multiples petits villages ou hameaux aussi déserts les uns que les autres. Je m’arrête prendre une bonne part de gâteau à la framboise avant d’attaquer la forêt qui recouvre les premiers Puy que je distingue à peine.

La forêt est sublime, une vieille forêt de feuillus où de gros arbres obscurcissent le ciel mais laisse place à un sous-bois clairsemés et ouvert. Je croise pas mal de randonneurs sillonnant le massif. A Ceyssat, je sors de la forêt après de belles grimpettes dans des pierriers puis je rejoins Olby où il est conseillé de faire un ravitaillement. Je m’y attarde pas et poursuit un petit peu jusqu’au Camping de la Haute Sioule près de St Bonnet-Près-Orcival.

Une fois de plus la pluie commence à tomber une fois la tente montée. Une grosse pluie qui détrempe tout. Après une douche, cette fois-ci bien chaude, je file au bar du camping me soulager d’un bon litre de bière et discuter avec les locaux qui sont très sympathiques ! Le fait d’être seul oblige et facilite le contact, c’est vraiment plaisant de pouvoir discuter de tout et de rien avec les gens du terroir ! Le voyage dans le voyage… Je ne reste pas trop longtemps quand même  et retourne me réfugier sous la tente

Jour 8: La Rencontre

Le temps est encore exécrable… Dur de se motiver mais il le faut ! Je décolle vers 07h15 et cela commence par une lente et longue ascension vers le col de l’Ouire à proximité du Lac de Guery. Le terrain est plus que gras, littéralement boueux, un vrai bourbier! Impraticable sur une section où des engins forestiers ont tout défoncé. Je mets environ 20 minutes pour faire 1km ! Chaque pas est un enfer, la boue s’accumule au niveau de la fourche et du cadre m’obligeant tous les 3 m à dégager les roues à la main. Mes chaussures glissent de nombreuses fois, je n’évite plus les flaques, je suis trempé ! Je tire et pousse le vélo surchargé en sueur sous la bruine incessante. C’est franchement dur, je peste contre Samuel…

Les températures baissent, la visibilité également et il y a toujours ce crachin humide qui tombe. Je suis littéralement trempé et je commence à avoir froid. Je n’avais pas vraiment prévu des températures si basses ! Au col de l’Ouire à 1436m d’altitude, je suis frigorifié. Complètement dans le brouillard, je ne vois rien du Massif Central, c’est vraiment dommage !

Une fois le col passé, commence une descente technique sur le sentier pédestre. Mal assuré, fatigué, et sur un terrain glissant, je chute, passe par-dessus le vélo échange la réception de ma tête sur une pierre par mon coude droit et me relève hébété et furieux !

« Ça sert à quoi de nous faire passer par là, nom de Dieu ! »

Je reprends mes esprits, me calme et je reprends la descente à pied cette fois. Puis, contournant La Banne d’Ordanche, j’entame la descente vers la Bourboule dans une purée de pois et sous la pluie cette fois.

Les mains crispées sur les cocottes, je passe le col alors qu’un chien de berger commence à me courser de l’autre côté de la barrière, j’espère que le champ est fermé au bout… Satané clébard !

La descente alterne les lacets de la route et quelques sentiers pour m’amener enfin à la Bourboule. Seulement 30km d’avalés, je suis transi de froid. La Bourboule est coincée dans une cuvette où les nuages et la pluie ont pris leur quartier. Je me jette dans le 1er bar d’ouvert pour me réchauffer.

Le patron n’est pas franchement aimable, l’impression de déranger… Je m’installe quand même pour prendre un thé et un chocolat chaud. Je lui explique un peu le concept de la French Divide et le type me prend pour un gros touriste. Je ne sais plus exactement comment il le formule mais il me fait comprendre que je n’ai pas le matos adapté et que je ne suis pas assez préparé… Non, mais oh ! Il est clair que je n’avais pas prévu des conditions hivernales en plein mois d’août ! Bref, la situation change quand deux petits vieux débarquent, plus curieux et amusés que le patron. C’est exactement à ce moment-là que Gauthier rentre dans le bar. Je pensais avoir froid, mais quand je le vois déambulé dans le bar, je me dis que j’ai chaud en fait. Un vrai zombie, les lèvres bleues, des cernes et tout tremblotant. On se présente et je l’invite à ma table où l’on reprend une boisson chaude. Il tremble tellement qu’il peine à tenir sa tasse, je pense franchement que l’hypothermie n’était pas loin.

On se pose, on discute, il m’apprend qu’il a effectivement pris une grosse averse la veille et qu’il a eu les même conditions pourries ce matin.

Je suis bien content de trouver un compagnon de galère et lui aussi je pense ! On quitte nos hôtes pour aller faire sécher des affaires à la laverie puis on part se faire une pizzéria histoire de se réchauffer, de reprendre nos esprits tout en espérant que le ciel se lève.

Vers 14h, le soleil perce la couverture nuageuse et nous partons après une pause de 3h. Nous quittons la Bourboule pour attaquer un sentier pentu et impraticable en vélo, quel que soit le type de vélo d’ailleurs. On pousse nos montures pendant un bon moment puis une fois en haut, un profil descendant nous attend. Nous passons la Tour d’Auvergne puis c’est 25-30km de route en descente sous des averses. Cela se fait plutôt bien et nous atteignons Ydes, fin de la section 12 où nous prenons le temps de nous poser en terrasse avant de repartir. Nous quittons très vite l’Auvergne et le Cantal pour une incursion dans le Limousin et la Corrèze qui se révèle être magnifique. Une succession de petits vallons verdoyants, de forêts et des hameaux plus mignons les uns que les autres.

Nous rencontrons soudainement la Dordogne qui a creusé une profonde entaille dans le paysage et qui est à l’origine d’une belle ascension de 300m en fin de journée. Motivé par les lumières de la fin d’après-midi, nous poussons jusqu’au Lac de Neuvic et son camping pour y passer la nuit. Douches et confort après cette journée forte en émotions.

Jour 9: Rocamadour

Départ 7h15 après avoir laissé notre dû dans la boite au lettre du camping, nous partons pour une journée qui d’après le programme sera pour moitié sur route.

Nous traversons la Corrèze en longeant de loin le lit de la Dordogne. La région est magnifique, il y a réellement des petits coins de paradis dans notre beau pays.

Ayant le même rythme et les mêmes envies, nous roulons ensemble toute la journée Gauthier et moi.

Quelques difficultés jalonnent notre journée comme la vallée encaissée de la Luzège et celle de la Souvigne près de Forgès qui signe la fin de la section 13 où nous nous arrêtons dans un restaurant pour le déjeuner. Un très bon restau, bon marché et délicieux. Le repas sera marqué par un concert d’aboiement de chien dans la salle. Chiens qui ont dû être gentiment raccompagnés à l’extérieur… Satanés Clébards !

De Forgès, nous rallions Argentat située dans la vallée de la Dordogne. Une erreur d’itinéraire de la part de Gauthier et nous sommes séparés un moment. La route longe la vallée de la Dordogne et c’est plutôt roulant jusqu’à Beaulieu sur Dordogne où je m’installe en terrasse, je vois Gauthier au loin, lui fais signe mais il ne me voit pas. Je le rejoins quelques minutes plus tard alors que l’on grimpe les rives de la Dordogne. Nous poursuivons ensemble jusqu’à Carennac, magnifique village où l’on voudrait s’y arrêter plus longtemps mais le tourisme, ce sera pour la prochaine fois ! Nous poursuivons de nouveau le long de la Dordogne en cette fin d’après-midi, les paysages sont superbes et les températures commencent à baisser.

Le décor change radicalement une fois que nous laissons Floirac dans notre dos, les terrains sont plus secs, la végétation plus rase et arbustive, les grillons chantent, ça sent le sud ! Nous atteignons Rocamadour par une super piste Gravel.

Le site est bondé, Gauthier me fait part qu’il souhaiterait continuer un peu plus loin et trouver quelque chose de plus typique. Il est adepte des gîtes et chambres d’hôtes.  Nous faisons tout de même un tour des terrasses de l’Hospitalet qui fait face à Rocamadour. Je reste subjugué par la beauté du paysage, je ne m’attendais pas à ça. La fatigue et l’effort pour y arriver rajoute à l’émerveillement. Le coin est vraiment sympa… Je suggère à Gauthier que les terrasses ne sont pas si mal quand même… Il en faut pas plus pour qu’on se convainque de rester ici ce soir. On va au camping juste à côté où la gérante nous offre la nuit! Nos voisins de tente nous offre de l’eau pétillante alors que nous leur offrons le récit de notre aventure. Une fois les tentes montées, nous allons profiter des terrasses et de la gastronomie locale à base de canard et de houblon, un régal ! Une très bonne fin d’étape de 163 km.

Jour 10: Mécanique, Cahors et changement de partenaire

Gauthier souhaite partir plus tôt, il part donc vers 07h alors que je me mets en route 30 minutes plus tard. La trace nous amène le long de la falaise de Rocamadour et au détour d’un chemin, je croise Thibault, un des membres de l’organisation, il me signale qu’il y a le photographe un peu plus loin et de ne pas être trop surpris. On discute quelques minutes puis je m’engage dans le single. Je ne m’attendais pas à ça ! C’est engagé et technique, en tout cas avec un Gravel chargé à mort ! Si le photographe n’avait pas été là, je crois que je l’aurai fait à pied ! Finalement, ça passe et je continue jusqu’en bas, les mains sur les freins en évitant de déraper. Quelques petits lacets techniques et me voilà au pied de Rocamadour. La trace nous emmène au fond de la vallée et nous fait remonter sur Magès puis nous entrons officiellement le Parc Naturel régional des Causses du Quercy situé dans le Lot. S’enchaine ensuite une multitude de chemin de pierre plus ou moins roulant à travers une végétation sèche. Au bas d’une descente, alors que je suis en train de régler pour la énième fois mes freins, je suis rattrapé par un divideur visiblement pressé sur un Gravel rose. C’est Rémi Quinquin ;), élancé, sec, boucle d’oreille et favoris rouquins. Il ne s’attarde pas et continue son chemin. Je le rejoins un peu plus loin puis à Montfaucon à la terrasse d’un café-épicerie ainsi que Gauthier et Steve de la vague verte. Steve a déjà fait la FD l’année dernière, et il a donc 2 jours d’avance sur Gauthier et moi, une véritable machine. Je suis curieux de rouler avec lui. Il semble calme et en forme, il prend son temps. Alors que Rémi savoure une cigarette avec son café, nous commençons à nous mettre en route après avoir dévaliser l’épicerie.

Nous roulons donc à quatre, Rémi et Steve devant puis Gauthier et moi à l’arrière. Très vite, nous nous faisons distancer par Rémi et Steve. Nous continuons donc à deux sur les chemins de Compostelle fréquentés par de nombreux pèlerins. Il fait très chaud et la progression est parfois difficile mais le terrain est sec donc roulant ! Nous avançons bien !

Depuis plusieurs jours, mon vélo commence à craquer de partout. Un bruit incessant venant de la roue arrière, c’est insupportable et inquiétant, mais je ne peux qu’avancer. Au bout d’un moment, il m’est impossible de passer le grand plateau, je reste condamné à rester sur le plus petit et à une vitesse inférieure à 20km/h sur les parties roulantes. Gauthier prends le large alors que nous approchons doucement de Cahors que nous atteignons vers 12h.

L’équipe est là ! Samuel aussi ! Céline ajoute la ptite cocotte sur mon brevet et je me délecte d’une belle assiette de quiche et de mozzarella locale préparé par le patron du bar à l’accent chantant. Steve, Gauthier et Rémi sont là aussi.

Une inspection détaillée de mon vélo m’indique que j’ai deux dents de mon grand plateau complètement tordus expliquant les déraillements incessants. N’ayant pas de pince, je remercie encore une fois Rémi pour le prêt de la sienne et je réussi à redresser les dents. Il me reste plus qu’à re régler le dérailleur arrière qui prend un peu cher…

C’est donc seul que je reprends la route à travers les chemins de Compostelle. Des sentiers plutôt roulants et agréables en Gravel ! Je rejoins Gauthier en fin d’après-midi sur une terrasse au cœur de Lauzerte, magnifique village perchée en haut d’un mont. Nous continuons ensemble jusqu’en fin de journée où nous retrouvons Rémi et Steve sortant du restaurant à Moissac. Gauthier souhaite dormir dans un hôtel ce soir, je le quitte donc et pars rejoindre Steve et Rémi qui vont rouler encore un ptit moment. Si Steve reste silencieux, je discute pas mal avec Rémi et on sympathise assez vite. Après avoir longé le canal latéral de la Garonne nous prenons la direction du Sud à travers la campagne plutôt plate puis légèrement vallonnée. Nous roulons un peu de nuit et d’un commun accord avec Rémi nous nous posons dans un petit village. Nous hélons Steve devant nous qui ne se retourne pas et disparait dans la nuit…

La nuit est chaude et le ciel dégagé, je déploie donc juste la tente chambre intérieure, j’aurai le ciel étoilé comme plafond ce soir, Rémi, lui est dans son Bivy, idéal lors de ces nuits sèches. Nous nous couchons vers 23h après une bonne ration de semoule au thon.

Vers minuit et demi, je me réveille tout ballonné, nauséeux. J’ai à peine le temps de sortir de la tente que je rends mon repas… Qu’est-ce que j’ai pu manger ? De la semoule et du thon en boite ! Rien qui aurait pu tourner… Puis je me dis que le sachet vide de lyophilisé que j’utilise en guise de bol n’a pas été lavé depuis un moment et que les restes de nourritures ont dû y fermenter sévère, surtout avec la chaleur des derniers jours… Je ne vois que ça !

Jour 11: La Traversée du Désert

C’est avec une faim de loup que je me réveille et je n’ai quelques Oréos à manger ce matin… On se prépare rapidement et on quitte le village sur les coups de 06h20. Rémi est particulièrement motivé et l’on tient un rythme un peu plus élevé que lorsque j’étais avec Gauthier.

Après 35 km de route et chemin à travers les vallons du Tarn et Garonne, nous faisons une incursion en Haute –Garonne et nous nous posons à Cadour pour un petit déjeuner bien mérité ! Café et chocolat chaud avalés, nous repartons plein Sud vers les Pyrénées qui se rapprochent à grand pas.

S’en suit une longue traversée du désert à travers le Gers et de nouveau la Haute-Garonne. Très peu de village, encore moins de bistrots, rien ! Dur dur…

Soudain, quelqu’un nous accoste et appelle Rémi ! Des amis à lui, lui ont fait la surprise et ils ont quelques denrées à nous donner. Ce n’est pas de refus ! Et ce n’est pas de l’assistance vu que ce n’était pas prévu hein ! Ses amis nous accompagnent sur une portion du tracé puis nous abandonne à notre sort pour la fin de la journée.

On erre comme des âmes en peine à Villeneuve de Rivière pour trouver un bar qui n’existe pas…

Nous sommes aux portes des Pyrénées, et nous trouvons enfin une boulangerie d’ouverte ! On y reste un petit moment, savourant ce moment de répit et discutant avec les locaux.

« Vous venez d’où comme ça ?

  • Dunkerque dans le nord
  • Et beh, fan de chichoune, ce n’est pas la porte à côté ! »

J’adore.

Un autre reste dubitatif quant à notre itinéraire lorsque l’on affirme que l’on va à Biarritz via le Tourmalet, c’est en effet pas la route la plus courte.

Depuis le début de notre périple, les réactions évoluent avec l’éloignement de notre point de départ.

A Reims, c’était des petits « Ahh » et au fur et à mesure que l’on se rapproche du sud, ce sont des « OHhhh » ou des « Wouahhh ».

Après mon litre de soda et ma part de pizza, nous repartons à l’assaut des montagnes. Gauthier qui est resté à Moissac la veille est à seulement 20km de notre position.

Nous longeons les premières montagnes puis nous y entrons franchement après Ausson. Nous longeons la Nesle par la route, le tracé est légèrement moins vallonné que ce que je pensais. C’est facile les Pyrénées, en fait !

Ne parlons pas trop vite… Rémi, qui a étudié le parcours en détail et comme un géographe hors pair m’informe que les hostilités vont bientôt commencer. On avait décidé en amont de se rapprocher au plus près du Tourmalet afin de le gravir en début de journée, à la fraîche. Pour ce faire nous devons atteindre Sarancolin, située au pied de l’ascension. Il nous reste environ 20km avant de boucler la journée, une formalité mais c’était sans compter ce que Samuel nous avait réservé…

Nous quittons les routes agréables pour rentrer dans des sentiers très techniques et engagés dont Rémi n’apprécie guère ! On jure tous les deux ! La descente technique laisse place à une piste forestière en lacet très abrupte que l’on monte tantôt à pied tantôt sur le vélo. On n’en voit pas le bout, c’est interminable ! On fait quasiment 500m de D+ en 5km ! La descente de l’autre côté est bien technique et nous atteignons enfin la vallée de la Nesle.

Au détour d’un sentier et lorsque l’on passe sous la voie ferré, un énorme doberman déboule de je ne sais où et commence à m’aboyer dessus violemment et à me courir après ! Je lui crie dessus tout en essayant de ne pas chuter sur mon côté droit… J’accélère et la bête renonce. J’ai eu sacrément les jetons ! Pas eu le temps de dégainer ma bombe au poivre que j’ai en permanence sur moi prévu pour éloigner ces satanés clébards !

Plus de peur que de mal, on atteint Sarancolin vers 22h30 où l’on trouve un restaurant d’ouvert qui nous accepte encore ! Parfait ! On boucle une grosse étape de 180km et 2800m de D+ !

Alors qu’on termine nos plats et notre pinte, Gauthier nous rejoint ! Il a passé le gros merdier en pleine nuit et tout seul ! Chapeau bas !

Nous nous rendons au camping de Sarancolin tous les 3 et posons nos tentes et bivy pour une nuit de repos bien méritée car demain nous attends le fameux col du Tourmalet !

A ce moment du périple, cette étape reste une des plus durs tant au niveau physique que mental. 185km et 2900m de D+.

Jour 12: Le jour le plus long...

Le grand jour est arrivé, nous allons enfin nous mesurer au col du Tourmalet. Plus haut col routier des Pyrénées françaises avec une altitude de 2115m. Bien sûr, nous n’allons pas emprunter la route, ce serait trop facile, non Samuel nous embarque à travers des pistes forestières qui nous amène jusqu’au col de Beyrède (1417 m). Très vite, je lâche mes compagnons de route moins rapides en montée et je m’étonne de gravir sans trop difficulté ces longues pistes sinueuses. En fait, j’aime bien ça, de longs efforts, un bon braquet et roule ma poule. Après le col, la piste redescend, c’est à ce moment-là que mon GPS tombe et se prend dans ma roue avant. Je le vois partir comme une fusée dans la pente et sur le côté gauche heureusement ! Je le récupère et le fixe solidement à mon cintre. N’étant pas très à l’aise dans les descentes, et comme Rémi et Gauthier n’utilisent apparemment pas leur freins, ils me rejoignent au lac de Payolle où les amis de Rémi la veille nous attendent pour faire l’ascension du col.

Nous remontons légèrement une piste puis nous redescendons vers un 2e lac où nous rejoignons la route « officielle » qui nous amènera au sommet. Nous sommes plus qu’à 10km du col et nous avons déjà gravi 30km depuis ce matin.

Nous partons tous les 5 à l’assaut du col parmi les voitures et les nombreux cyclistes qui sont venus se mesurer au monstre. De nouveau à l’aise dans l’ascension, je prends les devant et monte plutôt aisément les 10km qui m’amènent au col. Il y a un monde fou, des dizaines de cyclistes qui grimpe le col depuis les deux versants. Il y a également une course cycliste qui y passe aujourd’hui.

Après un maigre repas, nous abandonnons les amis de Rémi puis nous entamons la descente. Une longue descente jusqu’à St Sauveur où nous faisons un petit détour par le pont Napoléon qui surplombe le gave de Gavarnie qui devient en aval le gave de Pau que nous longeons en courbes de niveau sur la rive droite.

Nous redescendons à sa hauteur et nous le suivons jusqu’à Villelongue où nous remontons gratuitement les versants pour redescendre, remonter, redescendre et remonter au niveau de Le Buala, un mont parsemé de singles techniques. C’est justement à ce moment-là que mes freins décident de me lâcher. Plus de frein avant et encore moins d’arrière… J’essaie de les régler mais rien n’y fait. Je commence à descendre à pied puis le frein avant revient doucement… Bizarre !

Mes compagnons de route ont bien sûr pris de l’avance, je les retrouve au bord du gave de Pau et nous repartons ensemble jusqu’à la voie verte des Gaves qui nous transporte aux portes de Lourdes. Je crois que Samuel a pris cher sur la partie suivante. Quand on regarde la trace, c’est un bon gros 8 des familles, un bon gros détour juste avant de rentrer dans Lourdes… Pourquuuoii ??

On s’y engage. Je suis crevé et rincé. Ce qui m’attend ne va pas arranger les choses. En effet, on est parti pour 15km de sentiers peu praticables, de gros raidards et de grosses descentes que je peine à descendre tellement mes freins sont morts. Mon vélo craque toujours autant, il fait moite, une légère bruine se met à tomber… Vous l’aurez compris, je suis à bout.

J’ai tellement plus de freins que je m’arrête pour changer les plaquettes, heureusement que j’avais un jeu neuf ! J’aurai dû en prendre deux d’ailleurs… Enfin, je peux continuer. La boucle ne semble jamais se terminer, c’est un véritable tape cul par endroit. Cela sent enfin la fin quand la direction de Lourdes apparait devant moi. Je ne compte plus les jurons et les noms de Dieu (de circonstance) que j’ai pu lancer. Sam, t’as pris cher… Désolé… Mais, on est là pour ça hein !

La trace débouche sur un champ puis je file vers le magasin de vélo « Bike and Py », fin de la section 18 où m’attendent depuis un moment Rémi et Gauthier.

Nous sommes accueillis comme des rois par les gérants de la boutique qui nous invite à passer de l’autre côté du magasin où se tient un petit café. Alors que l’on se délecte de café, de coca, de brownies et de brioche, je leur confie mon vélo en leur expliquant le problème, le Trophée va avoir droit à une petite révision !

L’étape ne se termine pas ici, je récupère mon vélo qui ne craque miraculeusement plus, il y avait un souci de corps de roue libre, la roue arrière et le disque voilés. Bien huilé, le Trophée retrouve sa jeunesse ! Un vrai bonheur ! Plus aucuns bruits ! Je vais enfin me sentir plus  à l’aise et rouler à côté de mes compagnons. En effet, je n’osais pas trop rester à leur côté pour ne pas leur imposer ce concerts de craquement mais quand je leur en fais part, ils me disent plutôt que ça les fait marrer. Gauthier m’appelle l’homme-orchestre.

Traverser Lourdes le 15 août, c’est traverser une foule immense de pèlerins venu du monde entier. Les rues sont bondées, nous peinons à avancer. Je suis sous le choc en voyant toute cette frénésie, ces boutiques de souvenirs, ces hôtels par dizaine, ce commerce de la foi, …Il y a pour moi pas mal d’incohérences dans tout ce bazar… Nous faisons tout le tour de Lourdes puis alors que nous nous dirigeons vers la sortie, un cycliste nous aborde et nous accompagne sur une petite portion. Il nous dit que ce n’est vraiment pas le bon jour pour découvrir Lourdes et on veut bien le croire ! Il nous commente un peu les environs et nous accompagne jusqu’à l’entrée d’un chemin qui longe le Gave de Pau. Cette section est vraiment roulante et agréable mais le crachin a repris. C’est à ce moment-là que mon pneu arrière crève… Ayant du préventif dans la chambre à air, je la regonfle et repars. Cela semble tenir le coup !

Avec cette couverture nuageuse, la luminosité baisse rapidement et à Saint-Pé-de-Bigorre, nous décidons de nous arrêter rapidement à une pizzéria ambulante afin de pouvoir rouler à nouveau par la suite. Nous sommes à moins de 200km de l’arrivée et nous voudrions avoir le moins de kilomètres possible pour la dernière journée.

Finalement, les pizzas mettent un temps fou pour sortir du four et c’est vers 20h30 que l’on reprend la route. J’ai à peine fais 100m que mon pneu avant crève. Etant en tubeless à l’avant, le préventif s’échappe et j’essaie de colmater la brèche en roulant mais la coupure semble trop importante. Je roule néanmoins avec moins de pression ne voulant pas m’arrêter et retarder la troupe.

La nuit tombe et fatigue aidant, nous nous arrêtons finalement 5-6 km plus loin, à Lestelle-Bétharram. La gérante du camping, très accueillante, nous montre un emplacement à proximité d’un barnum que nous investissons pour y déployer nos tentes et bivy. Nous serons au sec pour la nuit, notre dernière nuit si tout se passe bien demain.

Après une ration de malt au bar du camping, nous prenons nos quartiers chacun préparant ces affaire pour la nuitée et pour demain. Je m’occupe de mon pneu avant pour y placer une chambre à air en vérifiant succinctement les potentielles épines présentes dans le pneu puis nous profitons de la douche et nous couchons alors que la pluie tombe toujours à l’extérieur.

Jour 13 : Mendionde

Départ aux aurores pour cette dernière étape, 195km nous attendent. Pour une fois, on réussit à se lever rapidement. Le fait d’être à l’abri sous le barnum facile la mise en route. Café et pizza dessert au Nutella (et aux fourmis) que nous avions commandé la veille en guise de petit déjeuner et nous nous élançons dans la nuit et le brouillard. L’air est humide mais les températures sont plutôt clémentes. Nous progressons tout d’abord sur routes puis sur des singles boueux que j’ai du mal à franchir. Rémi et Gauthier ont un sacré rythme ce matin et je peine à les suivre. Je les perds carrément quand ils se trompent de chemin.

Après les single tortueux, la trace devient plus facile et plus roulante alors que l’on longe les Gave d’Ossau et d’Oloron

Je retrouve mes acolytes qu’à la pause de 12h à Navarrenx où ils se sont posés il y a déjà 30min.

Ils repartent par conséquent tous les deux, je reste seul à Navarrenx le temps de me restaurer. Le temps s’est amélioré et il ne pleut plus, c’est déjà ça !

La trace se dirige ensuite à nouveau vers les Pyrénées et le relief commence sérieusement à se corser alors que l’on rentre dans le cœur du Pays Basque. Malgré le temps lourd et le ciel chargé, les montagnes verdoyantes sont magnifiques.

Alors que je termine la section 19 au niveau de Larribar, je m’aperçois que mon pneu avant est de nouveau à plat. Ce n’est pas ma veine, tout déconne en cette fin de périple ! Je me pose sur une petite place et entreprend de trouver le trou dans ma chambre à air. Je vérifie cette fois-ci consciencieusement le pneu qui est orné de nombreuses petites épines que je peine à retirer. La rustine mise en place, je tente de regonfler mais rien n’y fait. Je ressors la chambre et retrouve un trou car j’ai encore oublié une épine… Raaahh ! Je perds un temps fou !

2e rustine. Pendant ce temps, deux villageois sont venus à ma rencontre pour prendre des nouvelles et me disent que Gauthier et Rémi sont passés il y a 30 min. Je leur demande par hasard s’ils n’ont pas un peu de lubrifiant et il m’informe que mes compagnons ont demandé la même chose, la bouteille de WD40 n’est pas loin et j’en profite pour lubrifier toute la transmission qui était bien sèche.

J’ai l’impression que ma pompe est morte. Juste au-dessus de moi, il y a des jeunes qui bricolent leur moto. Ils ont un compresseur ! Victoire ! Je réussi à regonfler correctement mon pneu, je fais le plein d’eau, remercie mes sauveurs et repart pour les derniers 80 km.

J’ai perdu une bonne heure, et tout ce stress m’a filé un point de côté insupportable que je n’arrive pas à enlever, je suis littéralement en apnée, impossible d’expirer correctement, ça me fait un mal de chien…

Juste après Larribar, le sentier se transforme en marche de pierre géante où l’on doit porter le vélo. La moyenne chute et je me mets à douter de pouvoir finir aujourd’hui… Non, je finirai coute que coute, il ne reste que 80 bornes, je terminerai en plein nuit s’il le faut !

Après le portage parmi les dalles géantes, j’attaque une longue ascension jusqu’à un point de vue magnifique sur la vallée de la Bidouze puis entame une longue descente et manque la barrière sur ma gauche. Je dois remonter afin de récupérer la trace.

La suite est plutôt roulante jusqu’à St Jean le Vieux, empruntant des portions des chemins de St Jacques de Compostelle, il faut alors slalomer entre les pèlerins. Je m’arrête à un bar afin de manger et de reprendre mon souffle car mon point de côté est toujours présent et me fais un mal de chien. C’est complètement éreinté que je traverse St Jean Pied de Port, superbe ville qui mériterait un arrêt prolongé mais le chrono est contre moi, je dois continuer.

Je me décide enfin à prendre un comprimé pour faire passer la douleur puis continue ma route. Je redoute la fin car je suis persuadé que notre Samuel nous a concocté un tracé difficile. Je me vois déjà en train de galérer dans des sentiers inextricables en pleine nuit. En fait non, la fin de la trace est roulante, enfin sur du bitume mais jalonnés de multiples côtes et descentes qui retardent l’arrivée.

Alors que le soleil perce les nuages et dévoilent le pays Basque sous un nouveau jour, je rejoins Gabriel qui m’a dépassé pendant ma pause. On reste quelques minutes ensemble puis il prend le large, je reste en effet très prudent dans les descentes avec mon unique frein avant.

Cette fin d’étape est réellement magnifique, les petites routes que l’on emprunte sont enclavées dans des vallées resserrées où sont nichés de petites fermes bien typiques. L’aboiement quasi continu des chiens de berger m’accompagne les derniers kilomètres.

5 kilomètres.

La nuit commence à tomber, encore une « colline » à monter ! Sur les crêtes surplombant Louhossan, le faisceau de ma frontale croise des yeux qui brillent dans la nuit, un chat ? Non, un petit sanglier !

Persuadé que l’arrivée est en haut d’une côte bien raide, je suis surpris de trouver un profil descendant en traversant les villes de Herribere et Macaye et enfin le panneau Mendionde qui s’offre à moi au milieu de la nuit

Enfin, j’y suis. Mendionde. Ce nom que j’évoque depuis des mois revêt enfin une réalité ! Je passe le panneau, tourne à gauche sur la place et aperçoit le fanion de la French Divide devant  le restaurant Echtebarne.

Tout le monde sort pour m’applaudir et me féliciter je reste sans voix, immobile, le sourire jusqu’aux oreilles, accroché à mon vélo.

« Tu peux lâcher ton vélo tu sais ? »

En un instant, la French Divide se termine, 12 jours d’efforts, d’émotions, de partage, de rencontre. L’impression d’être parti il y a plusieurs mois.

J’empoigne la main tendue de Samuel qui me félicite, puis l’on trinque autour d’une bonne bière à l’intérieur de l’auberge où Jérôme nous as concocté un bon repas.

Je retrouve mes compagnons de route des derniers jours, Gauthier et Rémi. On discute, on partage, on rigole, on boit des bières aussi… Je ne réalise pas encore ce que nous venons d’accomplir.

La soirée ne s’éternise pas trop, nous profitons d’une douche bien chaude et d’un vrai matelas, un vrai lit et une bonne nuit de repos.

Epilogue

La French Divide a été une aventure riche en émotions et en expérience. Je remercie tout le travail de l’équipe pour la réalisation de ce tracé superbe, parfois dure mais ô combien magnifique, qui nous a fait découvrir la France profonde.

Je ne pensais pas réussir aussi bien cette aventure et avec autant de plaisir. Très peu de moments de doutes ou de ras le bol.

Je crois que cette French Divide, cette aventure au long cours n’est pas la dernière mais bien la première d’une longue série.

Merci Sam, merci…

Je remercie toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à cette aventure, spéciale dédicace à Max pour son temps et sa patience, ses conseils matos. Merci à mes compagnons de route, cela été un réel plaisir de partager ces moments avec vous. A très bientôt sur les chemins du Nord…

Je remercie également toutes les personnes qui ont suivi l’épreuve et m’ont soutenu en laissant des commentaires ou en m’envoyant des SMS.

Merci à tous !

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